Créer l’espace de vie idéal n’est plus un simple exercice de style : c’est une expertise technique, un dialogue constant avec les nouvelles technologies, et un métier en pleine mutation. À l’occasion d’EspritMeuble 2024, une table ronde a exploré les contours du métier d’architecte d’intérieur, en partenariat avec le CFAI. Au cœur du débat : l’impact croissant de l’intelligence artificielle dans la pratique professionnelle.
Organisée sur le plateau de M Studio au sein du salon EspritMeuble I EspritContract, cette table ronde s’est tenue en partenariat avec le Conseil Français des Architectes d’Intérieur (CFAI), acteur majeur de la reconnaissance et de la structuration du métier. Deux professionnelles chevronnées sont venues témoigner de leur pratique et de leur vision du futur du métier : Anne-Laure Taunay, architecte d’intérieur CFAI et ancienne membre du bureau du Pôle Action des Architectes d’intérieur Île-de-France, et Flora Auvray, architecte d’intérieur CFAI et présidente du Pôle Action des Architectes d’intérieur Île-de-France.
Le métier d’architecte d’intérieur : rigueur, technique et créativité
D’entrée de jeu, Flora Auvray rappelle la nature exigeante de la profession : « L’architecte d’intérieur, c’est un maître d’œuvre. On travaille sur le volume, sur l’espace. On peut ouvrir des murs porteurs, créer des trémies... Ce sont des interventions techniques qui nécessitent des compétences pointues. » Cette précision technique, peu connue du grand public, distingue clairement l’architecte d’intérieur du simple décorateur.
Anne-Laure Taunay insiste sur la formation rigoureuse requise pour exercer ce métier avec sérieux : « Il faut un minimum de cinq ans d’études, parfois six, dans des écoles reconnues par le CFAI. » Elle souligne l’importance d’une évaluation des compétences et d’une assurance décennale, indispensable pour garantir la sécurité et la fiabilité des projets.
À ce sujet, Flora Auvray précise : « Le CFAI n’est pas un ordre au sens juridique, mais il joue un rôle central dans la certification des professionnels et la reconnaissance des écoles sérieuses. » Le pôle Action, qu’elle préside, agit en complément, comme espace d’échange et de formation continue entre pairs : « On organise des visites d’usine, des tables rondes, des formations... Parce qu’on doit se mettre à jour en permanence. »
Un métier en constante évolution
Les deux professionnelles soulignent l’évolution rapide de leur environnement de travail. Contraintes environnementales, nouvelles réglementations, exigences en matière de réparabilité ou de durabilité : les architectes d’intérieur doivent désormais intégrer un ensemble de paramètres complexes dans leur approche.
Cette adaptabilité est d’autant plus cruciale que les outils numériques se transforment à grande vitesse. Parmi eux, l’intelligence artificielle.
L’intelligence artificielle : une alliée sous conditions
L’intégration de l’IA dans la pratique de l’architecte d’intérieur a suscité un vif intérêt au sein du Pôle Action et du CFAI, au point de devenir l’objet d’une session de formation dédiée en collaboration avec la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. Selon Flora Auvray, « c’est un sujet qui interpelle toute la profession. »
Mais à quoi peut concrètement servir l’IA ? Les réponses sont très concrètes : « C’est un outil de gain de temps énorme », affirme Flora Auvray, en évoquant l’élaboration d’images photoréalistes pour appuyer les intentions de projet. « Là où une visualisation 3D classique peut prendre huit à dix heures, l’IA permet de produire un rendu en une trentaine de minutes. »
Anne-Laure Taunay, qui utilise l’outil Leonardo, confirme l’intérêt pour la phase de conception : « Je m’en sers pour générer des planches d’intention, des moodboards, à partir de prompts textuels. Par exemple, pour un client qui souhaitait une ambiance zen et feng shui, j’ai pu générer rapidement une image d’inspiration. »
Mais elle met en garde contre une utilisation naïve de ces outils : « Il faut savoir les guider, savoir doser les détails qu’on leur fournit. Trop de précision dans un prompt peut produire l’effet inverse. » Surtout, il est indispensable d’être transparent avec les clients : « Je leur dis toujours quand l’image est générée par l’IA, parce que parfois, les objets représentés n’existent pas. »
IA et emploi : quel avenir pour les métiers de l’aménagement ?
L’émergence de l’IA pose inévitablement la question de l’avenir des métiers traditionnels. Est-ce une menace ? Pour Flora Auvray, « certains profils très spécialisés, comme les dessinateurs 3D, peuvent être impactés s’ils ne s’adaptent pas. Mais pour nous, architectes d’intérieur, l’IA reste un outil. Elle ne remplace pas le maître d’œuvre. Elle ne va pas sur les chantiers. »
L’enjeu est donc moins de redouter la technologie que de l’intégrer intelligemment, en se formant et en gardant le contrôle créatif et technique sur les projets. « C’est comme l’arrivée de l’ordinateur, » conclut-elle. « Il faut monter dans le train, mais savoir où on veut aller. »
Une créativité démultipliée
Enfin, l’IA ouvre aussi de nouvelles voies d’exploration créative. Anne-Laure Taunay évoque le cas d’un photographe belge dont les rendus 3D générés par IA ont inspiré une marque de design britannique, jusqu’à envisager la fabrication d’objets inexistants. « Cela montre que l’IA peut devenir un laboratoire d’idées. Mais il faut rester conscient de ses limites techniques et commerciales. »
Conclusion : entre innovation et savoir-faire
Le métier d’architecte d’intérieur est à la croisée des chemins entre technique, création et accompagnement humain. L’IA y trouve sa place, à condition d’être utilisée avec discernement. Formation, transparence, maîtrise technique et esprit collaboratif restent les piliers d’un métier en pleine mutation.
Un métier d’avenir, qui conjugue exigence, innovation et humanité.
EspritContract
Visionner la vidéo de la table ronde : Le métier d'architecte d'intérieur et la place de l'IA dans le travail
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