Dans un contexte de marché plus tendu, la performance commerciale n’est plus une option mais une condition de survie pour les enseignes d’ameublement. Les forces de vente deviennent un levier stratégique, à condition d’être accompagnées et formées en continu. La formation n’est alors plus perçue comme un coût, mais comme un investissement à fort retour. C’est tout l’enjeu exploré lors d’une table ronde organisée sur Studio M pendant EspritMeuble 2025.
Cette table ronde a été réalisée en partenariat avec le magazine
Univers Habitat, avec la préparation éditoriale de
Maxime Gouet, journaliste. Autour de la table,
Jérôme Libeskind animait les échanges avec
Roberto Drapron, formateur indépendant spécialiste cuisiniste (RDFC),
Loic Aubry, responsable formation chez But, et
Alexandre Kassis, directeur formation du groupe Adova et dirigeant de l’Académie du sommeil. Ensemble, ils ont posé un diagnostic clair : la montée en compétences des vendeurs est un enjeu de compétitivité, de fidélisation des équipes et de qualité de la relation client.
De la formation perçue comme un coût… à la preuve du retour sur investissementFace à des organisations souvent focalisées sur le court terme, la formation reste parfois considérée comme une dépense et une contrainte opérationnelle. Temps d’absence des vendeurs, coût pédagogique, logistique… Les objections classiques sont bien connues. Pour Alexandre Kassis, la réponse est sans ambiguïté : « La formation, c’est un investissement pour ses équipes, pour le magasin, pour la pérennité du chiffre d’affaires. »
Pour objectiver le discours, le groupe Adova a mené une expérimentation sur un an en comparant les performances de vendeurs formés et non formés. Résultat : « L’augmentation du prix de vente moyen, c’est 22 % de plus entre un vendeur qui est formé, accompagné et un vendeur qui est non formé. » Une donnée chiffrée qui illustre de manière très concrète le lien direct entre formation et performance économique.
Au-delà des résultats commerciaux, la formation contribue aussi fortement à l’engagement des collaborateurs. Un point souligné par Loic Aubry : « Un collaborateur qui se sent valorisé, c’est un collaborateur qui est plus engagé et donc qui va plus rester dans l’entreprise. » Stabiliser les équipes, c’est stabiliser le chiffre d’affaires, limiter les coûts de turnover et ancrer durablement le savoir-faire dans les magasins.
Une force de vente au cœur de la relation client magasinLa montée en puissance du digital pourrait laisser penser que le rôle du vendeur diminue. C’est tout l’inverse qui se produit, notamment dans l’ameublement et l’équipement de la maison où les achats restent impliquants et parfois techniques. Comme le rappelle Loic Aubry : « Le client fait l’effort de venir en magasin. Il pourrait rester chez lui derrière son PC. S’il vient, c’est pour chercher un conseil. »
Dans ce contexte, la qualité de la relation client devient un avantage compétitif décisif. La formation vise donc à outiller les vendeurs pour qu’ils puissent écouter, reformuler, comprendre les projets et accompagner de manière personnalisée. « Il faut qu’il ait en face de lui un vendeur compétent, qui s’intéresse à son projet, qui écoute son histoire et qui va lui trouver la solution la plus adaptée », résume Loic Aubry.
La promesse magasin – conseil, proximité, accompagnement – ne peut être tenue que si les équipes disposent des compétences relationnelles et des repères métier nécessaires. La formation devient ainsi un maillon essentiel de l’expérience client, au même titre que l’offre produit, la mise en scène ou le service après-vente.
Technique ou relationnel : trouver le bon équilibreDans l’univers de la literie, où intervient Alexandre Kassis, le constat est clair : « Le consommateur, avant d’acheter un produit, il va acheter déjà le vendeur. » La compétence technique reste importante, mais elle n’est pas suffisante. Un discours trop technique peut même devenir contre-productif : « Plus on va être dans la technologie, moins le consommateur va comprendre ce que le vendeur dit et plus, par conséquent, il va se renseigner. »
La clé réside dans la capacité à traduire la technicité en bénéfices concrets et compréhensibles pour le client. « Former des vendeurs, c’est pas empiler des grands discours, c’est parler simplement […] avec des bons arguments percutants », insiste Alexandre Kassis. Le travail de fond porte autant sur l’écoute et le questionnement que sur la maîtrise de l’offre.
Pour Roberto Drapron, la question de l’équilibre entre technique et relationnel se pose particulièrement dans les projets d’agencement (cuisine, salle de bains, ameublement global) : « Quand on est sur des projets d’agencement et d’aménagement, il va falloir poser beaucoup de questions parce que la technicité ne s’arrête pas à un seul produit. » Meubles, électroménager, sanitaires, matériaux… la complexité produit impose au vendeur de maîtriser un socle technique solide tout en adoptant une posture de conseiller.
Le risque, aujourd’hui, est de se retrouver avec des clients qui maîtrisent mieux certains aspects techniques que les vendeurs eux-mêmes. « On se retrouve face à des clients qui maîtrisent mieux l’électroménager que les vendeurs, et là ça pose une véritable problématique », alerte Roberto Drapron. La valeur ajoutée du point de vente passe alors par une double compétence : savoir-faire technique et savoir-être commercial.
Formats courts, pédagogie active et formation continueSur le rythme et les formats, les intervenants convergent : le modèle de la “grosse” session annuelle ne suffit plus. La formation doit entrer dans le quotidien des équipes. « Plutôt que des blocs massifs une fois par an, on peut imaginer intégrer la formation dans le quotidien des collaborateurs sur des formats courts, impactants, immédiatement accessibles », explique Loic Aubry.
Chez But, cela se traduit par des dispositifs blended learning : e-learning, vidéos, tutoriels, combinés à du présentiel court, souvent en mode coaching sur le terrain et par petits groupes. « On apprend la vente par les pieds, en s’entraînant », résume-t-il. Jeux de rôle, mises en situation réelles, observation et débrief collectif permettent de transformer rapidement les apports en pratiques concrètes sur le terrain.
Roberto Drapron insiste également sur l’importance de la formation continue, avec « une piqûre de rappel tous les ans » au minimum, complétée par des modules ciblés. La pédagogie évolue vers des méthodes beaucoup plus participatives : « L’apprenant va être au centre de la formation et on va limiter le plus possible le descendant. » L’objectif : sortir du “retour à l’école” pour créer des espaces d’entraînement, de partage de pratiques et de co-construction.
L’intelligence artificielle comme appui, pas comme substitutImpossible aujourd’hui d’aborder la formation sans évoquer l’intelligence artificielle. Pour Alexandre Kassis, l’IA est avant tout un outil d’appui : « L’intelligence artificielle peut accompagner les vendeurs et même le formateur pour la partie création de contenu, pour la méthodologie pédagogique. » Elle permet de gagner du temps dans la conception, de proposer des supports plus variés et d’enrichir les parcours.
Roberto Drapron l’utilise notamment pour individualiser les formations, en adaptant un même “cours” à certains profils de collaborateurs pour lesquels les méthodes classiques ne fonctionnent pas. « On va utiliser l’intelligence artificielle pour nous trouver une méthode pédagogiques, un exercice un peu spécifique, et ça m’aide énormément », explique-t-il.
Chez But, Loic Aubry confirme cette approche : « On s’intéresse à l’IA plutôt comme un support, un outil plutôt qu’évidemment comme un remplacement. » L’intérêt principal réside dans la personnalisation des parcours, en fonction du rythme, du niveau et des besoins de chaque apprenant. Mais la conviction est partagée : « On reste persuadé que ce qui donne le sens, c’est l’humain. »
Une conclusion claire : la formation, levier stratégique et profondément humainAu terme de cette table ronde animée par Jérôme Libeskind, un message s’impose : la formation des forces de vente n’est ni un luxe ni un poste sacrifiable en période tendue. C’est un investissement stratégique, mesurable, qui agit à la fois sur la performance commerciale, la fidélisation des équipes et la qualité de la relation client.
Dans un secteur de l’ameublement en pleine transformation – nouvelles attentes clients, montée en gamme, enjeux de durabilité, digitalisation des parcours – la compétence humaine reste le principal facteur différenciant. En outillant mieux les vendeurs, en les accompagnant dans la durée et en s’appuyant intelligemment sur les nouveaux outils numériques, les enseignes renforcent leur proximité avec les clients et leur capacité à proposer des solutions réellement adaptées.
En filigrane, un fil rouge : la formation est efficace lorsqu’elle reste profondément humaine, ancrée dans le réel du magasin, nourrie par le terrain et orientée vers un objectif simple mais exigeant : aider chaque vendeur à devenir un véritable partenaire de projet pour son client.
EspritMeubleVisionnez la table ronde ici :
Comment mettre à niveau les forces de vente par le biais de la formation ?