L’ameublement va-t-il enfin sortir de la zone de turbulence ?
Après plus de deux ans de baisse, les derniers mois 2025 laissent entrevoir une inversion de tendance.
Dans un contexte politique, économique et international incertain, le marché montre pourtant qu’il réagit dès qu’on lui parle.
C’est ce qu’est venu décrypter Christophe Gazel, directeur général de l’IPEA – Institut de la maison, sur le plateau de Studio M à EspritMeuble 2025.
Ce talk a été réalisé en partenariat avec l’IPEA. Christophe Gazel, à la tête de l’Institut de la maison, était l’invité de Jérôme Libeskind pour analyser les chiffres, les dynamiques de segments et les perspectives pour 2026 dans le secteur de l’ameublement.
Un marché encore en retrait, mais qui redémarre
Si le cumul des dix premiers mois 2025 affiche encore une baisse d’environ –2 % en valeur, Christophe Gazel se veut clairement optimiste. Le 3ᵉ trimestre repasse dans le vert, à +1,4 %, et le mois d’octobre progresse de +2 %. Après une longue phase négative, ce frémissement est significatif : « le marché répond quand on lui parle ».
Cette reprise s’inscrit dans un contexte sans soutien extérieur : l’immobilier neuf est atone, les Français sont bombardés de nouvelles anxiogènes (déficit, fiscalité, géopolitique) et l’équipement lié aux déménagements reste faible. Ce qui se vend aujourd’hui, souligne-t-il, relève principalement du renouvellement et non de l’équipement initial. Autrement dit, malgré les inquiétudes, les Français continuent de s’intéresser à leur intérieur.
Cuisine, literie, canapé : des trajectoires contrastées
Tous les segments ne contribuent pas de la même manière à ce redressement. La cuisine tire clairement le marché. Traditionnellement liée à la construction et à la rénovation, elle progresse pourtant dans un environnement immobilier déprimé. Le secret ? Des investissements massifs en communication, des offres structurées produit + service, et un maillage soutenu du territoire. Le global cuisine se situe en territoire positif, et les cuisinistes spécialistes de moyen–haut de gamme dépassent les +4 %.
La literie s’en sort honorablement : malgré la conjoncture, les spécialistes continuent d’ouvrir des points de vente et se situent juste en dessous de la ligne de flottaison, à peine négatifs. Les canapés tournent autour de –2 %, un niveau comparable au marché global.
En revanche, les meubles de rangement, tables et chaises souffrent davantage, avec des reculs de l’ordre de –4 à –5 %. Ces catégories parlent peu au consommateur, communiquent moins, et peinent à générer le fameux « déclic » qui transforme un projet latent en achat.
2026 : un marché qui sera ce qu’on en fera
Pour 2026, Christophe Gazel n’attend pas de miracle venu de l’extérieur : ni baisse spectaculaire des impôts, ni boom immobilier. « Le marché sera ce qu’on va en faire », insiste-t-il. Les signaux actuels montrent que lorsque les acteurs investissent en communication, en offre et en financement, la demande suit.
L’objectif réaliste : passer d’un marché légèrement négatif à un marché quasi stable voire modestement positif. À condition d’augmenter la puissance de communication, de moderniser les messages (au-delà des seules remises) et de continuer à mailler le territoire par l’ouverture de magasins.
Le financement est un levier clé : pour des achats à plusieurs milliers d’euros, parler en mensualités plutôt qu’en prix total s’aligne sur les réflexes déjà acquis dans l’automobile, le voyage ou même le billet de TGV.
Une France à deux vitesses… et un potentiel chez les seniors
Autre élément structurant : le taux d’épargne des ménages atteint un niveau historique, autour de 19 %. Cette réserve n’est pas répartie uniformément, mais une partie importante se concentre chez les plus de 65 ans, propriétaires de leur logement, peu endettés et disposant d’un fort pouvoir d’achat.
Ces seniors, explique Christophe Gazel, « attendent un déclic ». Ils comparent, regardent les promotions, mais peuvent engager 12 000, 15 000 ou 20 000 euros dans une cuisine ou un projet d’aménagement sans mettre en danger leur fin de mois. Le succès de certaines enseignes de cuisine, capables de leur proposer des projets plus ergonomiques, plus ouverts et plus qualitatifs, montre que ce potentiel est bien réel.
Sortir pour s’en sortir
Le message de fond est clair : dans un contexte compliqué, réduire les budgets marketing et communication est un mauvais calcul. À l’inverse, ceux qui, comme les cuisinistes, ont choisi d’appuyer sur la visibilité et l’animation commerciale en récoltent les fruits.
Christophe Gazel reprend volontiers la formule citée par le président d’EspritMeuble, Gaëtan Ménard : « Seuls ceux qui sortent s’en sortent. » Pour l’ameublement, 2026 ne sera pas une année de rattrapage miraculeux, mais peut être celle d’un retour à une trajectoire de croissance modérée, à condition que chaque acteur du marché prenne l’initiative d’aller chercher le consommateur, plutôt que d’attendre un hypothétique redémarrage macroéconomique.
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Les chiffres de l'ameublement 2025