Organisée en partenariat avec NellyRodi, cette table ronde, animée par Jérôme Libeskind, a réuni trois personnalités influentes du secteur pour décrypter les mutations profondes de l’univers hôtelier : Vincent Grégoire, Insight & Consumer Trends Director chez NellyRodi, Sarah Amzalag-Bismuth, fondatrice d’Alma Business Club, et Emmanuel Sauvage, co-fondateur et Directeur Général du groupe hôtelier Evok Collection.
Un modèle hôtelier en pleine transformation
Historiquement centré sur la vente de nuitées, le business model de l’hôtellerie connaît une profonde mutation. « Le business model d’un hôtel, ce n’est plus seulement vendre des chambres. C’est un art de vivre, un état d’esprit », souligne Vincent Grégoire, qui identifie une montée en puissance des expériences immersives, des services de divertissement tech (e-gaming, cinéma en chambre, retransmissions sportives), mais aussi des usages de proximité.
C’est la tendance du “staycation” : redécouvrir son propre quartier comme une destination à part entière. « On connaît mieux Bali que le coin de sa rue. Or, l’hôtel peut devenir un lieu de redécouverte, un tiers lieu culturel, intellectuel, festif », poursuit-il. Conférences, rencontres avec des penseurs, célébrations alternatives (comme les fêtes de divorce !), l’hôtel se mue en scène de vie.
Travailler à l’hôtel : le pari d’Alma Business Club
C’est dans cette dynamique qu’intervient Sarah Amzalag-Bismuth, avec son concept novateur : Alma Business Club, première plateforme de "hotel office" premium. Née après le Covid, cette idée part d’un double constat. D’un côté, « l’hôtellerie, très dépendante du tourisme international, a été durement touchée par la pandémie ». De l’autre, « la relation au bureau s’est transformée. Le collaborateur choisit désormais ses lieux de travail en fonction de ses besoins ».
Ainsi, Alma Business Club propose à ses membres – indépendants ou entreprises – d’investir les plus beaux hôtels comme espaces de travail modulables et inspirants. « Ce ne sont plus des lieux de passage. Ce sont des bulles de productivité, de bien-être, de créativité », explique-t-elle. Réservable via une plateforme, chaque espace permet de combiner séance de travail, déjeuner, rencontre professionnelle, voire moment de détente – le tout dans des cadres prestigieux.
« On vient chercher une expérience, et parfois un petit morceau de luxe », ajoute-t-elle. Une offre qui séduit notamment les entreprises soucieuses de valoriser leur image auprès de leurs collaborateurs et partenaires. « Travailler dans un palace, c’est aussi envoyer un signal fort en termes de standing et de confiance ».
Une hôtellerie ouverte sur la ville et sur la société
Emmanuel Sauvage, qui a rapidement noué un partenariat avec Alma, explique son adhésion : « Dès la création d’Evok en 2014, notre volonté était de mixer clients internationaux et locaux. Il fallait rendre les hôtels vivants, du matin au soir ». Résultat : les hôtels du groupe, comme Le Brach, sont devenus de véritables lieux de vie. « À 8h ou à midi, c’est plein. Ce sont des points de rendez-vous, avec une vraie communauté ».
Cette dynamique reflète une nouvelle vision du luxe hôtelier, où l’exclusivité ne repose plus sur l’accès limité, mais sur la qualité de l’expérience proposée.« Comme dans la mode, le luxe s’ouvre à tous, avec différents niveaux d’accessibilité. Un cocktail à 20 €, une nuit à 1000 €, chacun peut vivre sa part de luxe », résume Emmanuel Sauvage.
Autre enjeu : la mixité des profils. « Avant, dans les palaces, je voyais surtout des hommes de 50 ans, patrons de leur boîte. Où étaient les femmes, les trentenaires, les dirigeantes ? », s’interroge Sarah Amzalag-Bismuth. Son objectif est clair : casser les codes, ouvrir les portes des palaces à tous les publics – jeunes, femmes, freelances. « Le sentiment de légitimité doit être restauré. L’hôtel est un lieu d’hospitalité, ouvert à tous ».
Entre hospitalité et hyper-ciblage : les deux tendances de demain
Pour Vincent Grégoire, deux mouvements coexistent. D’un côté, « un retour aux fondamentaux de l’hospitalité : ouverture, inclusion, expérience humaine ». De l’autre, une tendance plus exclusive, plus segmentée : « les hôtels ultra ciblés, sans enfants, végan, holistiques, où tout est filtré, sélectionné, codifié ». Deux visions, deux clientèles, mais un même besoin d’incarner une identité forte et différenciante.
Evok Collection, de son côté, mise sur la culture et l’animation de communauté : prix littéraires, rencontres cinéma, événements business. « Ces communautés deviennent nos meilleurs ambassadeurs. Ils remplacent nos commerciaux », affirme Emmanuel Sauvage, soulignant l’intérêt de ces dynamiques relationnelles dans une stratégie de marque haut de gamme.
Conclusion : vers une hôtellerie augmentée
Cette conférence l’a confirmé : l’hôtellerie post-Covid ne se contente plus de vendre des chambres. Elle devient un catalyseur de liens sociaux, un acteur économique local, un levier d’image et d’innovation. Grâce à des initiatives comme Alma Business Club et à des groupes hôteliers comme Evok, elle s’ancre davantage dans la ville, dans les usages quotidiens, tout en conservant son exigence de qualité.
« Il fallait une pandémie pour accepter le télétravail. Il faudra encore un peu de temps pour généraliser l’idée de l’hôtel comme lieu de travail. Mais c’est en marche », conclut Sarah Amzalag-Bismuth. Et avec elle, une vision renouvelée de l’hospitalité, plus humaine, plus agile, plus inspirante.
EspritContract
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