Les Français n’ont jamais autant aimé leur intérieur. Entre désir de confort, inspiration déco et contraintes budgétaires, le marché de l’ameublement se réinvente pour répondre à une clientèle plus exigeante, plus connectée et toujours en quête de sens. Dans ce contexte, comment les fabricants et distributeurs s’adaptent-ils ?

Organisée en partenariat avec Le Courrier du Meuble, cette table ronde, animée par Jérôme Libeskind, a réuni trois experts du secteur pour décrypter les nouvelles dynamiques à l’œuvre : Émilie Blanchet, rédactrice en chef (Le Courrier du Meuble), Christophe Gazel, directeur de l’IPEA - Institut de la Maison, Vincent Destailleur, directeur général de l’enseigne XXL Maison.

Un marché transformé par le télétravail et le besoin de mieux-vivre chez soi

La pandémie a profondément redéfini le rapport des Français à leur habitat. Christophe Gazell’affirme : « On est vraiment passés du produit au projet. » Une évolution structurelle, marquée par un besoin croissant d’accompagnement dans la conception des espaces de vie. Le phénomène s’est accentué avec l’émergence du télétravail, la redécouverte du cocon familial, mais aussi la montée des envies d’évasion : maison au vert, vue mer, déménagements en zones rurales…

Selon Émilie Blanchet, cette transition s’observe clairement : « Beaucoup de fabricants et de distributeurs repensent les espaces pour faciliter le home office. » Les consommateurs veulent désormais des solutions personnalisées, ergonomiques, esthétiques et durables. Les magasins s’adaptent en proposant des espaces scénarisés, des corners « télétravail », et surtout, des solutions sur mesure.

Urbanité, ruralité, néo-ruralité : des attentes contrastées

La diversité des modes de vie exige une offre segmentée. Les besoins diffèrent selon les contextes : « L’urbain cherche à optimiser l’espace, souvent en mètres cubes plus qu’en mètres carrés, avec des meubles multifonctions, esthétiques et compacts », souligne Christophe Gazel. À l’inverse, « les ruraux privilégient le pratique, l’intégration, la durabilité ».

Quant aux néo-ruraux, ces anciens citadins installés à la campagne post-Covid, ils veulent tout : espace, modernité, convivialité, et un design à la hauteur de leur vie d’avant. « Ils se font plaisir avec de grandes cuisines ouvertes, des salons spacieux et des équipements haut de gamme comme les caves à vin intégrées », résume-t-il.

Vincent Destailleur confirme cette adaptation de l’offre : « 80 % de nos produits sont standards, mais 20 % sont adaptés localement. Dans les zones rurales, on expose plus de meubles imposants. Dans les zones CSP+ urbaines, ce sont nos collections les plus premium qui sont mises en avant. »

Une pression croissante sur l’innovation

Dans ce contexte, l’innovation devient le moteur de différenciation. Chez XXL Maison, l’innovation est omniprésente : « On travaille énormément les matières, les technologies, les fonctionnalités. La clé, c’est l’innovation produit, mais aussi d’usage », insiste Vincent Destailleur. Il évoque un entonnoir créatif, dans lequel les idées sont filtrées pour ne garder que le meilleur.

Christophe Gazel illustre cette logique avec un exemple : « J’ai vu une innovation sur un système de charnière invisible dans un panneau de 16 mm : une révolution esthétique qui séduit d’abord les agenceurs mais qui va se démocratiser. »

Cette dynamique concerne également les canapés, les cuisines ou encore l’outdoor. « Le textile technique permet aujourd’hui de proposer de véritables canapés d’extérieur, résistants aux intempéries, ce qui n’était pas possible il y a quelques années », ajoute-t-il.

Les réseaux sociaux, un vecteur clé d’influence

Les sources d’inspiration se sont démultipliées : émissions TV, Pinterest, Instagram, TikTok. « La rotation des produits est de plus en plus rapide. Le client se lasse vite, il est très sensible au prix et aux tendances vues en ligne », analyse Vincent Destailleur.

Émilie Blanchet complète : « L’aménagement de la maison est aujourd’hui massivement médiatisé. C’est un sujet central, visible, et porteur. »

Génération Z : entre gamification et mensualisation

Séduire les jeunes générations devient un enjeu stratégique. Vincent Destailleur détaille : « Nous avons développé un configurateur en réalité augmentée basé sur l’intelligence artificielle. Le client filme sa pièce et visualise les produits chez lui, en toute autonomie. »

Cette approche ludique, inspirée de la culture numérique, répond aux usages des moins de 30 ans. « Ils n’ont pas envie d’aller en magasin. Ils veulent décider chez eux, tester, jouer. Ensuite, ils finalisent leur projet avec nos conseillers en décoration », précise-t-il.

Autre levier : la mensualisation. « On ne vend plus un canapé à 2 000 €, mais un produit à 39 € par mois. C’est un code de consommation ancré chez la Gen Z », note Christophe Gazel. Et cela permet aussi d’entretenir le cycle du renouvellement.

2025 : continuité et réassurance

À quoi ressembleront les collections 2025 ? « Le mot-clé, c’est réassurance », affirme Christophe Gazel. « On ne bouleverse pas les codes. On propose des produits qui rassurent, avec une touche de modernité et d’innovation maîtrisée. »

Chez XXL Maison, une collaboration exclusive avec le célèbre designer Richard Orlinski est désormais officielle. « C’est un nom qui parle à la Gen Z tout en rassurant nos équipes de vente. L’objectif est de créer du désir et de se différencier », confie Vincent Destailleur.

Une dynamique en constante évolution

Comme le résume Émilie Blanchet en conclusion : « Ce marché est en perpétuelle ébullition. Si on refait cette table ronde l’an prochain, elle sera totalement différente, même avec le même thème. »

Le rendez-vous est donc pris, car une chose est sûre : les tendances d’aujourd’hui dessinent les habitudes de demain.

EspritMeuble

Visionner la vidéo de la table ronde : Aménagement d'intérieur: tendances, attentes et défis du marché ? 

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