13/05/2025
Les vendeurs de literie sont-ils trop “techno-bavards” ?

"Acheter un matelas, c’est aussi acheter du bien-être – mais les vendeurs ont-ils les bons mots pour convaincre ?" À l’occasion de la 12e édition d’EspritMeuble, une table ronde a réuni plusieurs experts du secteur pour interroger le rôle du conseil en magasin face à la montée de la vente en ligne. Entre surenchère technique, expérience client et quête de sens, le débat était dense et révélateur des défis du secteur.

Organisée en partenariat avec Meuble Info, cette table ronde animée par Jérôme Libeskind s’est penchée sur une question clé : le discours de vente en magasin est-il encore en phase avec les attentes des consommateurs ? Un enjeu d’autant plus crucial que le secteur de la literie est en pleine mutation, notamment face à la montée des acteurs digitaux.

Quatre experts ont apporté leur éclairage : François Duparc, président du collectif Parlons Literie ; Alexandre Kassis, responsable de la formation chez Adova et de l’Académie du Sommeil ; Anne-Sophie Batani, fondatrice du cabinet de conseil Hazelle ; et Sébastien Corneau, vice-président de Grand Litier.

Du produit fonctionnel à l’objet de bien-être

D’entrée de jeu, François Duparc rappelle une évolution notable : « Il y a une conscience croissante chez les Français que le sommeil est un facteur clé de bien-être. » Pourtant, cette prise de conscience ne se traduit pas toujours par un acte d’achat. « Le consommateur sait qu’il faut renouveler sa literie tous les dix ans, mais il ne sait pas quand il l’a achetée. Il oublie, comme pour la révision de sa voiture. »

L’enjeu ? Maintenir cette conscience éveillée et présente à l’esprit. Le collectif Parlons Literie milite ainsi pour une pédagogie continue, en magasin mais aussi en amont. « La literie reste perçue comme un produit fonctionnel, pas valorisant socialement. Il faut donc une présence continue à l’esprit du consommateur, avec une communication régulière. »

Comprendre le client avant de parler produit

Côté terrain, Sébastien Corneau confirme : « Le consommateur est souvent incapable d’exprimer clairement ses besoins. Il parle de mal dormir, mais ne sait pas forcément pourquoi. Il ne connaît ni son matelas ni son sommier. »

Face à cela, le rôle du vendeur devient stratégique. « Chez Grand Litier, on forme nos équipes pour qu’elles deviennent de véritables conseillers sommeil. Il s’agit de poser les bonnes questions, d’écouter, et surtout de ne pas imposer tout de suite un discours technique. »

C’est aussi la conviction de Alexandre Kassis, pour qui la formation est clé. À travers l’Académie du Sommeil, il s’efforce de transmettre aux vendeurs une double compétence : « Comprendre le sommeil et ses cycles, puis orienter la vente en partant de l’intérêt du client, pas de la fiche produit. » L’approche est centrée sur l’expérience et la simplicité : « Plus on est technicien, plus on perd le client. Il faut vulgariser, comprendre les habitudes de sommeil, et proposer une solution adaptée. »

Repenser l’expérience en magasin

Mais avant même l’échange, encore faut-il que le client pousse la porte du magasin. Pour Anne-Sophie Batani, qui conseille des enseignes dans plusieurs secteurs, dont la restauration, l’expérience vécue en point de vente est un levier sous-exploité : « La literie est un achat à la fois fonctionnel et intime. Or, les magasins ressemblent encore trop souvent à des supermarchés. Il y a un vrai travail à faire sur la scénarisation. »

Elle invite à créer des espaces plus inspirants, à l’image de ce qui se fait dans la restauration premium : « Quand on réserve un grand restaurant, on sait que c’est cher, mais on attend une expérience. Le matelas, c’est pareil : on y passe dix ans de sa vie. Il faut raconter une histoire, valoriser les matières, le savoir-faire. »

Un avis partagé par Sébastien Corneau : « On essaie de recréer un univers de chambre, pour que le client se sente bien. La scénarisation aide à créer cette immersion et à sortir du simple comparatif technique. »

Rendre la technique désirable (au bon moment)

Faut-il pour autant bannir la technique ? Non, répondent en chœur les intervenants. Mais elle doit venir au bon moment. « Le bon vendeur sait d’abord instaurer la confiance », souligne François Duparc, « en posant les bonnes questions et en répondant aux besoins du client. Ce n’est qu’après qu’on peut valoriser la technologie du produit. »

La pédagogie est également essentielle pour lutter contre l’image floue du secteur. « Il y a énormément de savoir-faire, d’artisanat, de production française, mais cela reste peu valorisé », déplore Anne-Sophie Batani. Elle note aussi que les campagnes publicitaires restent centrées sur la promotion, au détriment de messages sur le bien-être ou l’écoresponsabilité.

Le prix, une vraie fausse barrière

Autre sujet sensible : le prix. Tous s’accordent à dire qu’il est inévitable, mais qu’il ne doit pas être abordé trop tôt. « Il faut d’abord parler des bénéfices », insiste Alexandre Kassis. « Une fois que le client comprend ce qu’il gagne en qualité de sommeil, le prix devient plus relatif. »

Des solutions comme le financement ou la location apparaissent comme des leviers à développer. « Dans d’autres secteurs comme l’électroménager, ces pratiques sont installées depuis longtemps. On les voit maintenant arriver dans la literie », poursuit-il.

Sébastien Corneau ajoute : « Certains clients n’ont aucune idée du budget, d’autres sont très arrêtés, parfois à tort. Le bruit promotionnel les a rendus méfiants. Le vendeur doit rétablir la confiance, et donner des repères clairs. »

Une relation à réinventer

Le mot de la fin revient à François Duparc, qui résume l’essentiel : « Le consommateur entre dans une démarche d’achat qu’il connaît mal. Il faut donc le coacher, le guider, lui redonner des repères. L’important, c’est qu’il reparte avec le bon produit, pas simplement le bon prix. »

Dans un secteur en mutation, où le digital bouleverse les habitudes mais où le besoin de proximité reste fort, le rôle du vendeur ne disparaît pas : il se transforme. Moins techno-bavard, plus empathique. Moins prescripteur, plus pédagogue. Car bien dormir n’est pas une affaire de caractéristiques techniques, mais une promesse de bien-être.

EspritMeuble

Visionner la vidéo de la table ronde : Les vendeurs de literie sont-ils trop “techno-bavards” ?

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