Acheter moins, mais mieux. Réutiliser, transmettre, valoriser. Autant de réflexes devenus naturels pour une génération en quête de sens.
Avec Vincent Grégoire, Directeur Consumer Trends & Insights chez NellyRodi, retour sur les ressorts d’une consommation en pleine mutation, entre conscience écologique, pression économique et désir d’unicité.
La seconde main : tendance de fond, entre contraintes et convictions
La montée en puissance de la seconde main ne relève pas d’un simple effet de mode. Si la dynamique a été fortement accélérée par des considérations économiques, Vincent Grégoire rappelle que ce mouvement s’inscrit dans un cadre bien plus large. « Ce n’est pas nouveau. Cela fait des décennies qu’on fréquente les brocantes. Mais aujourd’hui, on parle de produits ‘déjà aimés’ qui racontent une histoire. »
La démarche se veut donc à la fois rationnelle et émotionnelle. Elle traduit une volonté de réduire son empreinte écologique mais aussi de renouer avec une forme d’authenticité dans l’acte d’achat. « Certains consommateurs en font un manifeste, un engagement. Pour d’autres, c’est une manière de se raconter une histoire, de donner du sens à leurs choix. »
La seconde main : miroir d’une génération
Cette pratique trouve un écho tout particulier chez les jeunes générations. Pour Vincent Grégoire, cela ne fait aucun doute : « Ils sont ‘seconde main natives’, comme on a parlé de ‘digital natives’. Ils sont nés dans un monde en crise et n’ont jamais connu la vie sans internet. Cela change profondément leur rapport à la consommation. »
Les réseaux sociaux jouent ici un rôle central. Ils permettent non seulement de diffuser ces pratiques, mais aussi de valoriser des choix personnels, parfois perçus comme anticonformistes. Acheter de la seconde main devient une manière de se démarquer, d’affirmer son identité dans un monde uniformisé. « C’est une façon de frimer, de dire : “regardez cette pièce unique que j’ai trouvée, vous ne la verrez chez personne d’autre”. »
Des objets porteurs de sens
Le mobilier, la décoration ou même les petits objets d’intérieur entrent dans cette logique du “déjà vécu”. Le consommateur moderne cherche plus que jamais à créer un univers personnel, à partir de pièces qui ont une histoire.
« Le neuf est souvent vécu comme un investissement, mais la seconde main ajoute une dimension affective. On veut des objets qui ont une âme, qui transmettent une émotion. » ajoute Vincent Grégoire.
Cette quête de sens s’accompagne parfois d’un véritable processus d’apprentissage. « Quand on achète une pièce vintage, on s’intéresse à son origine, au designer, à la matière… On devient un peu collectionneur, un peu expert. C’est un enrichissement personnel. »
Une dimension entrepreneuriale
Loin d’un simple geste de consommation, la seconde main devient aussi un terrain d’expérimentation professionnelle. Vincent Grégoire observe un regain d’intérêt pour les métiers liés à la brocante, au vintage et à la curation d’objets anciens. « Il y a une nouvelle génération de brocanteurs qui savent parfaitement utiliser les réseaux sociaux, raconter l’histoire des produits, construire une offre cohérente. »
Des plateformes comme Vinted, Leboncoin, Selency ou encore Catawiki deviennent des terrains de jeu pour ces nouveaux acteurs, entre amateurs éclairés et micro-entrepreneurs. L’achat-revente devient un moyen d’expression, mais aussi un levier économique.
Vers une transformation du marché de l’ameublement ?
Face à cette dynamique, le secteur de l’ameublement s’adapte progressivement. Si les contraintes logistiques (poids, volume, transport) freinent la montée en puissance d’une seconde main massive sur les grandes pièces, le marché se structure autour de formats plus légers : petits meubles, objets déco, textiles d’ameublement.
« On voit apparaître des corners vintage dans certains magasins, des collaborations entre enseignes et jeunes brocanteurs, des hôtels ou restaurants où tout ce qui est exposé est à vendre. » observe Vincent Grégoire.
Ce mouvement pousse aussi les marques à revoir leur approche des stocks dormants ou anciens. « Le secteur du textile le fait déjà : on ressort des rouleaux d’anciens tissus, qu’on remet en circulation pour les jeunes créateurs. Dans le meuble, ça commence à arriver aussi. »
Une consommation circulaire, mais pas sans limites
La seconde main est souvent perçue comme une alternative vertueuse, mais Vincent Grégoire tient à nuancer cette perception : « Il ne faut pas oublier l’impact environnemental des transports, du numérique, de l’emballage… Ce n’est pas une solution miracle, mais un pas dans la bonne direction. »
L’enjeu principal reste celui de la circularité : prolonger la vie des objets, favoriser la réparation, la revente, le don. Et surtout : repenser notre rapport au neuf. « Il y a déjà beaucoup de produits sur cette planète. Il faut apprendre à les revaloriser, à les réintégrer dans un cycle de consommation plus responsable. »
Une opportunité pour les professionnels
Au-delà des comportements individuels, la seconde main représente un vrai potentiel d’innovation pour les entreprises du secteur. Repenser les circuits de distribution, créer de nouvelles collaborations, valoriser les produits anciens ou invendus : autant de leviers à activer pour répondre à des attentes de plus en plus fortes du marché.
Vincent Grégoire conclut : « Il faut amener plus de sens, plus d’émotion, plus de lien entre les marques et les consommateurs. La seconde main, c’est aussi ça : une nouvelle forme de narration, plus humaine, plus sincère. »
EspritMeuble
Visionner la vidéo de la table ronde : Pourquoi cet engouement de la seconde main ?
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